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Confidences à Allah par Saphia Azzeddine


Résumé de l'éditeur
Comment devenir libre quand tout vous destine à la soumission ? Comment rester debout face aux hommes et à Dieu ? Vers qui se tourner quand on vit dans la misère ? À qui parler lorsqu'on est perdu et rejeté par la société ? Jbara, petite bergère des montagnes du Maghreb, choisit Allah. Dans un monde qui ne voulait pas d'elle, Il deviendra son unique confident. C'est à Lui que s'adresse ce monologue fiévreux et enragé, où l'humour perce souvent, celui d'une jeune fille qui tente d'échapper à l'enfermement.


Jamais je n'avais lu une voix féministe aussi indignée et criante ! C'est dans une société conservatrice et aux valeurs patriarcales que Jbara grandit puis s'affirme en tant que femme. A nos yeux d'européennes qui avons des droits, certaines situations paraissent d'un autre temps. Mais pour la narratrice, ce sont des droits fondamentaux qu'elle doit défendre : disposer de son corps, choisir ou non de porter le voile, décider par elle-même, ne pas dépendre d'un homme, etc.

Ils disent qu'il faut cacher ses ornements afin que l'homme n'ait pas de pensées inavouables. C'est écrit comme ça et ça n'a pas l'air de déranger personne. C'est lui qui a des pensées inavouables et c'est moi qui doit me cacher. Ça n'a pas de sens. De quel droit je deviendrais l'otage d'un homme qui ne sait pas se contrôler ? C'est à l'homme de s'éduquer, ce n'est pas à moi de me cacher. Et s'il ne veut pas s'éduquer, je n'ai qu'un conseil : la douche froide. 

Le style est virulent : construit comme un long monologue adressé à Allah lui-même, la jeune femme s'indigne de tous les usages qu'on veut lui imposer. Surtout, elle remet en question une société fondée sur la domination des femmes par les hommes. Mais la réflexion n'est pas gratuite et ne remet pas en question l'islam : au contraire, elle s'appuie sur des textes pour interroger le fonctionnement de la société. C'est une voix moderne dans un pays qui respecte encore des codes ancestraux. Elle pointe aussi du doigt le rôle des femmes elles-mêmes dans cette situation : elles ne font rien pour en sortir, par ignorance ou par tradition. Elles reproduisent les schémas qu'elles ont connu et ne les remettent pas en cause.

La place de l'islam n'est absolument pas mis en question, elle. Jbara est croyante, plus ou moins pratiquante selon les périodes de sa vie. Elle vit sa foi comme elle l'entend et prie Allah à sa manière. Simplement, elle veut qu'on respecte les écrits tels qu'ils sont et non une version qui arrange les hommes. C'est aussi une vision pragmatique de ce qui est acceptable ou non, de ce qui est péché ou non.

Un jour, le prophète, paix à son âme, était resté vingt-sept jours et vingt-sept nuits sous la tente avec une de ces épouses, Maria la copte. A profiter l'un de l'autre, à se faire plaisir et à s'aimer. J'hallucinais. J'avais envie de pleurer. Il avait aussi dit que dans la vie, il y avait trois choses qu'il aimait par-dessus tout : "Les femmes, le parfum et la prière." Il avait mis les femmes en premier et la prière en troisième.

Indignée, elle critique la place des femmes et le peu de liberté qui leur sont données. Mais elle sait aussi jouer de ce système pour se faire une place et vivre, tout simplement. Pour avoir un toit et une famille. Pour avoir une certaine sécurité. 

Le ton est vif, indigné et résolu. C'est celui d'une femme qui entend vivre selon ses choix et à exister en tant qu'être humain, avec son droit à s'exprimer. Mais il est aussi caustique et drôle, rêveur et désillusionné. Longue tirage destinée à Allah, elle est surtout destinée à nous lecteurs et lectrices, pour nous pousser à la réflexion.


A lire pour une voix de femme moderne et indignée !



Editions J'ai lu
Avril 2012
126 pages
6,80 €
ISBN 9782290054550




Si vous êtes curieux d'aller plus loin dans l'oeuvre de Saphia Azzeddine, je vous conseille aussi Mon père est femme de ménage. Ce court roman a été adapté au cinéma avec, notamment François Cluzet dans le rôle du père.



Curieux livre que ce Mon père est femme de ménage : la beauté des mots côtoie la vulgarité et le sexe dans toute sa crudité. On y lit des belles pages sur l'amour père/fils : la narrateur a honte de son père mais en même temps il a besoin de lui, de le rendre fier et il l'aime sans condition. Un paradoxe qui trouve sa solution dans ce livre, grâce aux mots notamment. Curieux, il apprend les grands mots de la langue française et rêve de sortir de sa cité. C'est grâce à eux qu'il trouve sa voie, qu'il obtient son bac et surtout qu'il peut rêver. La fin boucle l'histoire, dans l'humour et l'ironie. L'épilogue apporte une touche de légèreté qui permet de fermer ce roman sur une note positive.

Mars 2014
126 pages
6 €
ISBN 9782290054970



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