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L'installation de la peur par Rui Zink


L'installation de la peur



Résumé de l'éditeur
La sonnette retentit dans l’appartement d’une femme vivant seule avec un enfant. Ignorant qui se trouve derrière la porte, la femme, méfiante, décide de cacher son enfant dans la salle de bains avant d’aller ouvrir. Sur le perron se trouvent deux agents du gouvernement qui l’informent de leur mission : la mise en application de la directive n° 359/13 exigeant l’installation de la peur dans chaque foyer. 


Une société vivant sous le régime de la peur est-elle possible ? C'est le postulat du portugais Rui Zink dans son roman. Il s'agit d'une peur rhétorique, instillée par deux fonctionnaires qui font irruption chez une mère célibataire. Un duo presque caricatural, l'un étant le Beau Parleur et l'autre les bras musclés.

Vivre dans un société où la peur est vitale pour son bon fonctionnement, voilà le concept de cette dystopie. L'installation joue sur les peurs de l'homme, comme les mythes urbains (celui des monstres dans les canalisations par exemple) mais aussi et surtout sur les peurs modernes, notamment sur la peur de l'effondrement économique. La peur religieuse est elle jugée dépassée et inefficace.

Le duo chargé d'insuffler la peur est bien rodé, leur palabre a été répété des dizaines de fois, ce qui donne l'impression qu'ils sont en représentation. Jamais un véritable dialogue ne peut se construire, la femme n'ayant jamais la parole. Les deux fonctionnaires forment un duo inséparable, chacun étant inconcevable sans l'autre tant leurs paroles se répondent et s'enchaînent. L'un termine les phrases de l'autre ou le complète. C'est pourquoi la fin du livre sonne lorsque l'un d'eux disparaît de la scène. 

L'impression d'assister une pièce de théâtre est bien présente et c'est ce que j'ai aimé dans ce roman. Les répliques s'enchaînent sans laisser le temps au lecteur de respirer et l'ambiance est celle d'un huis-clos. Le lecteur est enfermé dans ce discours de la peur qui tourne en boucle. Malgré tout, et c'est ce qui m'a un peu déçue, je n'ai pas ressenti une oppression particulière en lisant ce texte. En fait, j'avais juste envie que la femme ose parler et interrompre ce bavardage. Car elle aussi ne rêve que de les voir partir, par ennui mais surtout parce que son fils est caché dans la salle de bain et risque d'être découvert à tout instant. Si elle ne parle pas, on entend parfois sa pensée et on comprend, peut-être son agacement, mais surtout son recul par rapport au discours qu'on lui inflige.

Ce roman pose donc la question de l'efficacité de ce régime et c'est le doute qui l'emporte. Et puis la fin, en demie teinte, ne facilite pas une réponse claire. On doute de l'efficacité de la peur car les fonctionnaires, si sûrs d'eux, sont pris à leur propre piège et, d'un coup, ce sont eux qui ont peur. Mais je n'en dis pas plus, sous peine de révéler encore plus la fin...


A lire pour une réflexion intéressante, mais une lecture intellectuelle 
qui ne plaira peut-être pas à tous. Pour les bons lecteurs !




Septembre 2016
192 pages
17,50 € / 11,99 ebook
ISBN 9791095718062
Fourni par Blogger.