Titus n'aimait pas Bérénice, Nathalie Azoulai
Voilà un livre qui a fait parlé de lui à la rentrée littéraire de septembre 2015, à l'occasion du prix Médicis (qu'il a gagné!). Maintenant qu'il est passé entre mes mains, je comprends pourquoi!
Je dois dire que c'est avant tout pour la richesse de ses références que ce livre m'a tout d'abord intrigué. Qu'est-ce que Nathalie Azoulai allait nous proposer: l'histoire antique romancée? Transposée au XXI° siècle? Mais c'est finalement sous le regard de la vie de Racine qu'elle nous donne l'occasion de nous intéresser à la littérature. Oscillant entre les genres, roman et poésie, elle nous conte la carrière littéraire de Racine, son goût pour les mots, son ambition, ses amours...
Roman, car l'auteur prend le prétexte d'une histoire d'amour moderne pour plonger dans les vers du dramaturge. Et c'est là, à mon avis, que le livre perd en profondeur. Un style très vif sert cette partie ancrée dans le monde contemporain, qui tranche vivement avec la langueur de la partie consacrée au siècle racinien. Cependant, ce décalage est peu utilisé et l'impression donnée est celle d'un prétexte littéraire pour dire son amour pour Racine. Alors pourquoi ne pas y aller "cash", au lieu de tourner autour du pot ?!
Poésie, car l'auteur joue avec la langue comme son personnage joue avec les vers. La prose est travaillée, des vers s'y glissent subtilement, des sonorités font sonner la phrase. L'auteur prend son temps, cherche le bon mot. On sent tout l'amour de l'auteur pour la langue française, et ça fait plaisir!
Quand elle cite Racine, elle est soudain une amoureuse de France, qui connaît son répertoire, le déclame, récite les vers dans son lit le soir en pleurant, la nuit, le jour, dès l'aube, comme des milliers de femmes françaises pourraient le faire avec elle. C'est un cœur si puissant qu'il aspire même les vers des personnages masculins, ceux d'Antochius, de Pyrrhus, d'Hippolyte, qui lui semblent toujours dit par et pour une femme. Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur.
Elle glisse des hémistiches dans ses textos, des noms de lieux propres pompeux pour ses rendez-vouss, Césarée, Aulis, Trézène, qui laissent certains de ses interlocuteurs pantois quand d'autres, au contraire, poursuivent, déclament encore mieux, plus longtemps, des tirades entières où elle sent à la fois une fraternité et une distance. Alors elle se méfie, renifle l'excès de théâtre, la pose érudite, la vanité de qui veut passer pour être épris d'absolu quand il est juste capable d'en apprendre par cœur le code. Racine peut aussi susciter la fatuité.
Septembre 2015
416 pages
ISBN 978-2-8180-3620-4
17,90 €
Titus n'aimait pas Bérénice est sorti en poche en Février 2017 !
Editions Folio
304 pages
7,70 €
ISBN 9782070794065
Editions Folio
304 pages
7,70 €
ISBN 9782070794065