Ads Top

Mangez-moi par Agnès Desarthe

Mangez-moi, A. Desarthe
Vous avez déjà eu l'impression d'être entouré de bonnes odeurs de cuisine pendant votre lecture? De goûter les bons petits plats tout droit sortis des doigts de fées du personnage de votre livre? D'avoir sur le bout de la langue des goûts qui font frétiller vos papilles? 


Voilà ce que j'ai découvert lors de ma lecture, un premier Desarthe pour moi. Son nom était beaucoup cité dernièrement lors de la sortie d'un nouveau titre à la rentrée littéraire d'hiver 2015, Ce cœur changeant et elle avait gagné le prix Renaudot des lycéens en 2010 pour Dans la nuit brune. Cependant c'est Mangez-moi qui m'est tombé sous la main d'abord, parmi toute sa production.


Des bonnes odeurs de cuisine
Moi qui suis une gourmande insatiable, j'ai pu sentir et goûter une nourriture née des mots et de l'imagination d'un auteur. Une première! Les sens sont mis à l'honneur dans ce livre, impossible d'y échapper. C'est donc émue et ayant faim que je suis sortie de cette lecture. Pourquoi émue? Parce qu'on rencontre un personnage attachant, sans identité fixe et qui n'en cherche pas. Myriam est une femme qui vit dans son monde, s'engage dans la restauration parce qu'elle a simplement envie de faire plaisir et qu'elle aime cuisiner. Elle construit un lieu qui lui ressemble, rencontre les gens du quartier et le succès l'étonne, dans sa fraîcheur un peu naïve. 


Un style efficace
C'est à la première personne qu'Agnès Desarthe nous raconte cette histoire, un choix que j'apprécie car il permet une focalisation interne, c'est-à-dire que le monde est découvert depuis son point de vue. Ici il permet particulièrement de laisser transparaître l'émotion et la sensibilité du personnage un peu fantasque.


- Qu'est-ce que je vous sers? fais-je en espérant qu'il ne voudra rien de précis.- Ce que vous avez de mieux, répond-il.Je pense : moi, mangez-moi, mais je ne le dis pas car, de toute façon, ça revient au même. Je lui sers une part de tarte au chocolat, poire et poivre avec un verre de rosé frais. Je le regarde manger. Je pense qu'il n'a pas menti, finalement. Il mange chez moi. Sauf qu'il n'est pas l'heure de dîner. Il a donc menti. Je le regarde et je pense qu'il se nourrit de moi, car, pour ce premier gâteau, pour ce dessert inaugural, j'ai mis tout ce que j'avais. J'ai pétri avec douceur, j'ai fait fondre avec patience, j'ai tranché en recueillant le jus, si fin, si fin, incorporé à la pâte, avec le chocolat d'un noir Massai, ma pâte brune entre entre mes mains, que j'abaisse et reforme, le poivre sur les poires, car je crois, en cuisine comme ailleurs, aux mystérieux pouvoirs de l'allitération. Les grains foncés à l'extérieur, jaune pâle au-dedans, pas écrasés, pas concassés. Tranchés. Mon moulin est une râpe, il fabrique de minuscules tranches d'épices. L'homme mange et je vois qu'il est ému. J'en suis désolée. Pourquoi ? Je l'ignore. Nous sommes tous deux indignes de ce partage.

Un texte que je recommande donc, en attendant de découvrir plus en avant l'oeuvre d'Agnès Desarthe. Peut-être son dernier né, Un cœur changeant, rejoindra-t-il bientôt les étagères de ma bibliothèque.

Août 2006
312 pages
20,30 euros




Aucun commentaire:

Fourni par Blogger.